Trois écoles de rang

La Troisième École de Côte-Plaisance est un bâtiment scolaire érigé en 1954. La construction en brique, de plan rectangulaire à un étage, est coiffée d’un toit à deux versants droits. Elle est implantée en retrait de la voie publique, sur un terrain au relief peu accusé et planté d’arbres matures, à proximité de la rivière Richelieu. Elle se trouve en milieu rural, dans la municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu.

Source : SHRL

Source : SHRL

Statuts
Ce bien est cité immeuble patrimonial. La protection s’applique à l’enveloppe extérieure du bâtiment.

Citation
Immeuble patrimonial Municipalité (Saint-Denis-sur-Richelieu) 2008-09-08

 

Valeur patrimoniale
La Troisième École de Côte-Plaisance présente un intérêt patrimonial pour sa valeur historique. Elle témoigne du système d’éducation dans les milieux ruraux au Québec au milieu du 20e siècle, celui des écoles de rang. En 1829, la Loi des écoles de syndics, aussi appelée Acte pour l’encouragement de l’éducation élémentaire ou Loi des écoles d’assemblée, jette les bases d’une instruction publique. Celle-ci favorise la construction de plusieurs écoles francophones et catholiques, notamment dans les milieux ruraux. Elles desservent un territoire généralement limité à un ou deux rangs. Ce système connaît des débuts difficiles et la loi est modifiée à quelques reprises. Au milieu du 19e siècle, les écoles de rang sont rattachées à des commissions scolaires; un surintendant du Département de l’instruction publique gère l’ensemble du système. Les écoles de rang restent en place jusqu’à la réforme scolaire des années 1960 qui donne naissance, en 1964, au ministère de l’Éducation. À Saint-Denis-sur-Richelieu, près d’une dizaine de ces écoles accueillent les élèves entre 1831 et 1961. Le rang de la Côte-Plaisance est doté d’un premier bâtiment scolaire en 1856.

1ère école en 1856

Première école en 1856. Source : SHRL

Deux autres écoles sont par la suite implantées au même endroit. La Troisième École de Côte-Plaisance fait partie d’un ensemble constitué de deux autres écoles de rang, ce qui est devenu très rare sur le territoire québécois. Elle se distingue par ailleurs par sa construction tardive, en 1954. Cette école témoigne ainsi de l’importance de ce système dans l’histoire de la municipalité.
La Troisième École de Côte-Plaisance présente également un intérêt patrimonial pour sa valeur architecturale. Elle est représentative de la typologie des écoles de rang du Québec. À partir de 1899, les bâtiments scolaires sont implantés en fonction de quelques modèles établis. Ceux-ci sont imposés par le Département de l’instruction publique qui élabore des règles concernant la construction des écoles et l’aménagement des terrains adjacents. Au milieu du 20e siècle, de nouveaux plans sont proposés. Ceux-ci présentent un caractère dépouillé s’inspirant de l’architecture domestique de l’époque et une fenestration abondante. Datant de 1954, la Troisième École de Côte-Plaisance s’apparente à un modèle de la série A du Département de l’instruction publique, pour une école d’une classe avec logement. Elle en présente la plupart des caractéristiques, dont le plan rectangulaire, l’élévation d’un étage, le toit à deux versants droits et l’avant-toit surmontant la porte principale. La façade asymétrique, aménagée sur l’un des longs pans, est percée de grandes fenêtres rectangulaires groupées, éclairant la salle de classe. De petites fenêtres rectangulaires soulignent l’espace du logement situé à gauche de la porte à carreaux. La Troisième École de Côte-Plaisance témoigne ainsi de la diffusion de certains modèles d’écoles de rang, au milieu du20e siècle.
Source : Municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu, 2009.

Éléments caractéristiques
Les éléments caractéristiques de la Troisième École de Côte-Plaisance liés à ses valeurs historique et architecturale comprennent, notamment :
– son implantation en retrait de la voie publique, sur un terrain au relief peu accusé et planté d’arbres matures, à proximité de la rivière Richelieu, à l’extérieur du noyau villageois;
– sa situation sur un emplacement occupé par des écoles de rang depuis 1856;
– son volume, dont le plan rectangulaire, l’élévation d’un étage, le toit à deux versants droits et l’avanttoit;
– les matériaux, dont le soubassement en béton, le parement en brique, le toit en tôle et les éléments architecturaux en bois;
– les ouvertures, dont les grandes fenêtres rectangulaires groupées, les petites fenêtres rectangulaires, la porte à carreaux, la porte à panneaux et à carreaux (surmontée d’une imposte vitrée et flanquée d’une baie latérale), les soupiraux ainsi que les plates-bandes et les appuis;
– l’ornementation dépouillée, dont l’appareil en damier;
– la souche de cheminée en brique.

Informations historiques
La Troisième École de Côte-Plaisance est située sur le territoire de l’ancienne seigneurie de Saint- Denis, colonisée vers 1740. Les premières institutions scolaires sont construites dans le noyau villageois au tournant du 19e siècle. Un couvent pour jeunes filles, dirigé par les soeurs de la congrégation Notre-Dame, ouvre ses portes en 1783. Quelques années plus tard, en 1805, le curé de la paroisse fonde un collège classique pour les garçons.

En 1829, la Loi des écoles de syndics, aussi appelée Acte pour l’encouragement de l’éducation élémentaire ou Loi des écoles d’assemblée, facilite l’établissement d’écoles en milieu rural québécois grâce à l’apport d’un soutien financier et à l’élection d’administrateurs. Les premiers syndics sont élus en avril 1829 et les premières écoles de rang apparaissent à partir de 1831. Leur implantation se poursuit dans les années 1840 et 1850. En 1849, la municipalité scolaire, ou commission scolaire, de Saint- Denis-sur-Richelieu est créée. Quelques années plus tard, soit en 1856, la première école du bas du rang du Bord-de-l’Eau, aussi connu sous le nom de rang de la Côte-Plaisance, voit le jour. En 1863, la municipalité scolaire est scindée en deux; l’école de la Côte-Plaisance est rattachée à la municipalité scolaire numéro un. Vers 1895, une deuxième école de rang est construite à cet endroit.

Deuxième école en 1895

Deuxième école en 1895. Source : SHRL

En 1906, le territoire et le nom des municipalités scolaires de Saint-Denis-sur-Richelieu sont modifiés. La municipalité scolaire numéro un devient la municipalité scolaire du village. La municipalité scolaire numéro deux, quant à elle, prend le statut de municipalité scolaire de la paroisse. À partir de ce moment, elle comprend toutes les écoles situées en dehors du village, y compris celle de la Côte- Plaisance. Le territoire de cette nouvelle commission scolaire est divisé en huit arrondissements; l’école de la Côte-Plaisance est nommée l’école numéro 1.

Classe de juin 1939

Classe de juin 1939. Source : SHRL

En 1954, une troisième école accueille les élèves du rang de la Côte-Plaisance. Les écoles de rang de Saint-Denis-sur-Richelieu sont fermées en 1961, à la suite de la centralisation de l’enseignement primaire, encouragée par la réforme scolaire. La Troisième École de Côte-Plaisance est alors convertie en maison privée. Au cours des années suivantes, une nouvelle ouverture est pratiquée à l’arrière de l’édifice et les supports de l’avant-toit sont remplacés.

Dans les années 2000, une coopérative est créée pour mettre en valeur les anciennes écoles du secteur.

Références
Notices bibliographiques :
Comité du 250e anniversaire. Saint-Denis-sur-Richelieu, 1740-1990. Sherbrooke, Éditions Louis Bilodeau et Fils Ltée, 1989. 423 p.

 

Magnifique lot 563

Le 1er septembre 2008, Jocelyne et Claude Lortie font l’acquisition d’une magnifique demeure ancestrale située à la 3e concession de Saint-Denis-sur-Richelieu. Le couple amoureux du patrimoine et de l’authentique s’installent sur le lot 563 situé au milieu d’un écrin de verdure. Dans ce cadre bucolique, quelques bâtiments secondaires ainsi, qu’un puits encore présent, nous rappellent la force et le courage des premiers habitants à peupler ce coin de terre. La maison a bien subi quelques rénovations mineures au cours de sa longue existence, mais le tout a été réalisé dans les règles de l’art.

Photo : Luc Charron

Photo : Luc Charron

En entrant dans cette maison, on s’y sent immédiatement bien, l’odeur des fourneaux et l’accueil chaleureux des propriétaires nous font du bien. Jocelyne voue un immense respect au patrimoine bâti et pratique cet art qui magnifie les maisons et les paysages: la peinture. Pour sa part, Claude s’amuse à revisiter l’histoire avec un grand H depuis nombre d’années. Il travaille à sa généalogie, et cela le passionne.

Retour dans le temps

Avant l’acquisition de la demeure par les Lortie, plusieurs propriétaires s’y sont succédé. Sylvie Lajoie l’acquiert en 2005 avant de la vendre aux propriétaires actuels en 2008. Madeleine Tremblay, professeure retraitée, l’habite entre 1978 et 2005 et lui donne une partie de son lustre d’aujourd’hui. Le 25 mai 1978, Claude Buissières et l’artisan ébéniste Germain Boivin la vendent à Gérard Landry et Madeleine Tremblay. Le 6 septembre 1977, Rolland Charron et son épouse Thérèse Bousquet vendent à leur tour à Claude Buissières et Germain Boivin. Le 7 août 1945, le cultivateur Elzéar Angers vend à Rolland Charron une superficie de quatre-vingt-sept arpents et trois quarts.

Source : Claude Lortie

Source : Claude Lortie

Le 20 janvier 1913, le cultivateur Pierre Angers et son épouse Dame Philomène Richard donnent leur terre et tous les biens immobiliers à leur fils Elzéar Angers : trois arpents de largeur par trente de profondeur incluant maison, bâtiment agricole et animaux de ferme. En échange, Élzéar Angers doit leur verser une rente à vie, leur fournir du bois et veiller à appeler le prêtre ou le médecin en cas de besoin. Le tout est évalué à environ 2 000 piastres incluant les animaux.

Le 4 novembre 1884, Isidore Lussier père et Dame Marie Girouard, veuve de Isidore Lussier fils et épouse de Jean Michon, déclare avoir vendu et cédé à Pierre Angers les lots 563 et 564 ainsi qu’une terre à bois à La Présentation. La transaction comprend sept vaches à lait, six moutons, deux douzaines de poules, son crible et la moitié d’un moulin à battre le grain, en plus des terrains et des dépendances. La vente, la cession, le transfert et le délaissement faits à la charge des rentes seigneuriales, des taxes municipale et, scolaire et autre imposition équivaut à la somme de 23 000 livres ou à 3 833 piastres et 33 centimes. Les principales caractéristiques de cette maison dite de colonisation (période comprise entre 1860 et 1920) sont les suivantes : petites dimensions, faite généralement en bois, souvent recouverte de bardeau, parfois de planches à clin ou de planches verticales, d’un toit à deux versants à pente moyenne et généralement d’un étage avec comble habité en tout ou en partie. Les fenêtres sont à deux battants portant chacun trois grands carreaux, et le balcon ou la petite galerie sont parfois couverts d’un toit en auvent en façade. Parfois, la cuisine d’été ou le hangar sont en appentis à l’arrière.

Source : SHRL

Source : SHRL 1961

Nous croyons que cette maison est d’une période antérieure aux actes notariés retrouvés. Voilà où nous en sommes pour l’instant dans nos recherches.
Luc Charron

 

 

Restauration réussie

Le bourg de Saint-Denis est reconnu pour sa concentration de maisons de bois datant du 19e siècle et admirablement préservées. C’est en 2009 que Daniel Bilodeau et Mélanie Pichette, deux passionnés de patrimoine, acquièrent leur demeure située au 155 de la rue Yamaska à Saint-Denis.

Photo : Luc Charron

155, rue Yamaska. Photo : Luc Charron

Selon les propriétaires, l’origine de la première partie de la maison daterait des années 1850. Cette maison en pièce sur pièce est représentative des maisons de transition, possédant à la fois les caractéristiques de l’architecture d’esprit français des siècles précédents et les nouveautés architecturales attribuées au modèle de la maison traditionnelle québécoise. Comme plusieurs bâtiments de l’époque, elle a connu au fil des ans son lot de modifications, notamment au niveau des revêtements extérieurs et de son agrandissement au début du 20e siècle.

Les propriétaires actuels ont entamé une série de travaux de restauration qui se sont échelonnés sur quatre années. Leur objectif était de redonner à la maison son apparence d’origine en privilégiant les techniques et les matériaux traditionnels. Les deux cheminées habillées et la toiture à deux versants en tôle dite à la canadienne sont typiques de la région. Les couleurs extérieures, choisies avec un très grand soin, s’intègrent parfaitement à l’environnement.
La dépendance aurait vraisemblablement servi de cordonnerie et d’atelier de rembourrage. D’ailleurs, on y a trouvé un coupon de réclamation avec l’inscription « Monsieur J. L. Bélanger, rembourrage d’automobile ». La dépendance sera également restaurée dans un proche avenir. Il est important de souligner l’effort des propriétaires et de leurs quatre enfants à enjoliver notre village.

Luc Charron

La maison de mon grand-père,
Louis Archambault

J’ai dit la maison de mon grand-père, je devrais plutôt dire la maison de ma tante Albina et de mon oncle Paul, car lorsque j’ai fréquenté cette maison, ce sont eux qui l’habitaient. Ma soeur, Lucrèce, y a vécu plus de 40 ans. Cette maison a sa petite histoire que j’ai retrouvée en partie.

284 du Lion

284 rue du Lion. Source : SHRL

Voici une photo de la maison de mon grand-père maternel, Louis Archambault. Les personnes qu’on voit sur la galerie ne sont ni mon grand-père ni ma grand-mère. Et observez les trottoirs, ils sont de bois, même ceux de la rue du Lion. Elle peut donc dater des premières années du XXe siècle. Ce que confirme une note, de je ne sais qui, identifie les personnes comme Élisa Leblanc (probablement la voisine d’en face), Adéline Archambault et Zéphirin Girouard. Ces derniers étaient les propriétaires de la maison au tournant du XXe siècle. Si vous vous promenez sur la rue du Lion, vous allez reconnaître facilement cette maison au 284 , au coin de la rue Saint-Thomas, elle est encore là, et sa façade n’a guère changé depuis cent ans.

Cette maison semble avoir été construite dans la première moitié du XIXe siècle. Elle est du type de cette époque : maison canadienne aux murs en brique. Remarquez le toit à deux versants avec larmiers, les cheminées aux extrémités, la galerie sur la façade. Sur la rue du Lion, au milieu des années 1950, il y avait plusieurs autres maisons du même style; la maison du marchand Richard Meunier, qui fait le coin avec la rue Sainte-Catherine; celle de Rosario Morin, au coin nord de la rue Saint-Hubert, et un peu plus au nord, celle du Dr Vadnais.

Cet emplacement était la propriété en 1900, de Zéphirin Girouard et de son épouse Adéline Archambault, la soeur de Louis, mon grand-père. Zéphirin était cultivateur et époux en communauté de biens d’Adéline. Sans doute à leur retraite en 1884, ils avaient acheté cet emplacement, de Michel Richard, marchand (probablement le grand-père de Richard Meunier dont la mère était une Richard), qui l’avait acquis quelques années auparavant d’un monsieur Lecours vraisemblablement de Saint-Antoine. Le couple y vécut une vingtaine d’années. Zéphérin y décédait en 1905 et Adeline en 1906.

Par testament, ils léguaient leur emplacement à leurs nièces, moitié à la famille Girouard, moitié à la famille Archambault. Ça faisait beaucoup d’héritiers et ils devaient vendre la maison. Par contre, il désirait la maison. La difficulté fut surmontée grâce à un subterfuge; c’est Wilfrid qui acheta l’emplacement pour, dès le lendemain, le revendre à son père, Louis.

Michel Richard en avait été l’acquéreur plusieurs années auparavant d’Amable Ledoux probablement de Saint Antoine. Le contrat précise que cet emplacement était situé « dans le village de Saint-Denis, sur la rue du Lion, d’un côté à la rue Saint-Thomas, de l’autre côté, à la rue Saint-François-Xavier, avec maison, grange et autres bâtisses y érigées. Ce terrain est partie de la partie nord-ouest du numéro cent cinquante-huit (No 158) du cadastre de la paroisse de Saint-Denis. Il a front sur la rue du Lion alors que l’arrière s’étend jusqu’à une ruelle ».

C’est dans cette maison que mon grand-père et ma grand-mère vécurent leurs dernières années. C’est là que, semble-t-il, tante Albina et oncle Paul sont allés les rejoindre à leur retour des États-Unis. Le premier acte dont j’ai pu prendre connaissance, c’est le testament de mon grand-père, Louis, fait en octobre 1918. Par cet acte, mon grand-père lègue à son épouse, Octavie Lapierre, l’usufruit de ses biens mobiliers et immobiliers : il accorde quelques legs particuliers à ses enfants et institue Amanda et Arthur ses exécuteurs testamentaires. Je n’avais pas connu mon grand-père (Louis Archambault) décédé une année avant ma naissance. Cette photo a donc été prise avant 1923.

284, rue du Lion, St-Denis

284, rue du Lion, St-Denis

Cette maison, je ne l’ai vraiment connue que dans les années 1930 alors que je fréquentais l’école du village qu’était devenu le Collège Saint-François-Xavier. Pour m’y rendre, chaque jour, je parcourais la rue Saint-Denis jusqu’au parc des Patriotes que je traversais en diagonale tout en remarquant ce qu’il y avait d’écrit en grosses lettres sur la maison de pierre devenue la Maison des Patriotes : Overall Manufacture Rgd. Cette manufacture appartenant alors à Ignace Gendron. Par la suite, j’empruntais la rue Saint-Thomas jusqu’à la rue du Collège, je longeais donc la maison de tante Albina et son emplacement. Au-delà de la maison, le trottoir était de bois; l’emplacement se divisait en trois parties : au coin nord-ouest du terrain, c’était la maison avec à son côté sud le jardin toujours bien entretenu avec ses allées sans herbe et ses carrés gorgés de légumes; au bord de la rue, une plate-bande de fleurs et de lys que ma soeur cultivait avec amour.

À l’arrière du jardin, il y avait la glacière, une bâtisse quasi carrée, au toit plat que l’hiver mon oncle Paul remplissait de gros glaçons récoltés sur la rivière et qu’il enrobait de neige et de bran de scie. L’été, on y plaçait sur la glace les aliments à conserver. Juste à côté de la glacière, la grange dont le toit était parallèle à celui de la maison, l’extrémité est du terrain était vacant et mon oncle Paul utilisait cette partie pour cultiver sa réserve de pommes de terre pour l’hiver.

Je m’arrêtais parfois à la maison à l’invitation de tante Albina, ma marraine. Plus tôt, j’y étais allé quelques fois lors de fêtes, de réunions de famille, de la visite de mon oncle Arthur de Montréal et de sa famille. C’était la maison paternelle et ma grand-mère vivait encore. Je me souviens que c’était de grandes joies : toute la famille se rencontrait.

Au début de la décennie 1930, alors que je commençais à fréquenter l’école, je m’arrêtais chez tante Albina, qui, les jours de mauvais temps, avait pitié, de moi et me gardait à dîner. C’est là que j’ai connu ma grand-mère. Elle était toute menue et passait son temps assise dans la berçante en face de la fenêtre de la cuisine, donnant sur la rue Saint-Thomas, près de la machine à coudre, emmitouflée de son châle de laine noire et portant sur la tête son bonnet noir au bord ondulé. Elle devait être une bien bonne personne : c’est elle qui avait décidé d’aider ma mère à la naissance de Lucrèce. Comme cette dernière était née jumelle avec un garçon, au moment de la grippe espagnole de 1918, alors que ma mère avait vu mourir à la maison son neveu, Lorenzo, fils de Joseph, qui n’avait pu se rendre chez lui à l’Amyot, ma grand-mère avait voulu la garder quelque temps, mais Lucrèce est toujours restée chez tante Albina et oncle Paul.

En 1933, c’était au tour de ma grand-mère de décéder. Par son testament, elle laissait ses biens mobiliers et immobiliers à Albina qui devenait propriétaire de la maison. Cette maison avait subi des modifications par l’addition à l’arrière d’une dépense ou garde-manger et d’une cuisine d’été, qui donnaient sur une large galerie en forme de L terminée à ses extrémités par des marches. Celles du nord, aboutissaient au trottoir de la rue Saint Thomas, alors que celles de l’est donnaient accès à la grange et à la glacière. La grange servait de remise à bois, de remise aux instruments, comme elle avait servi de terrain de jeu à ma soeur et à ses amies.

C’est là, dans la batterie, où mon oncle Paul se mettait l’été pour faire la crème glacée. Il en fabriquait régulièrement, et en quantité, deux ou trois brassins par semaine pour satisfaire sa nombreuse clientèle de neveux, nièces et leurs amis. Il avait mécanisé l’appareil pour avoir recours à un moteur électrique. À quelque six pieds des marches, un gros arbre, un tilleul, qu’on avait réuni par un 4’’ par 4’’ au poteau de la galerie. Cette pièce de bois portait deux balançoires. L’été, près de l’arbre, on voyait la fournaise à savon, pour chauffer l’eau lors de la journée du lavage.

Cette maison d’un un étage et demi, comportait 8 1/2 pièces : au rez-de-chaussée une chambre à coucher, la cuisine, la salle à manger et le salon, alors qu’au premier étage étaient trois chambres à coucher, une chambre à débarras et la chambre de toilette. L’escalier débutait derrière la porte d’entrée; après une courbe de 45 degrés, elle montait pour aboutir en haut au corridor menant aux chambres. Le poêle était dans la cuisine, dans le coin près de la porte de la chambre et pour favoriser la transmission de la chaleur, le mur derrière le poêle était remplacé par des portes de métal qu’on pouvait ouvrir au besoin.

À la fin des années 1940, tante Albina se départissait de l’emplacement en vendant le terrain vacant à son extrémité est. Josaphat Paré en devint propriétaire et y construisit une maison pour sa retraite au village. Par son testament de 1948, tante Albina léguait, à son décès, l’emplacement de la rue du Lion, maison, bâtisses et jardin, à Romulus Archambault. Elle y vécut plus d’une quinzaine d’années accueillant deux de ses soeurs, Amanda et Marie-Rose. Ces dernières l’ont précédée dans la tombe. Lorsqu’elle mourut en 1964, Lucrèce dut quitter la maison où elle avait vécu plus de quarante ans, servant de bâton de vieillesse à trois de ses tantes.

Jean-Baptiste Phaneuf
Tiré d’un texte de janvier 2004

 

La Belle aux Berges

L’auberge et table champêtre La Belle Aux Berges est située à Saint-Denis-sur-Richelieu et occupe une magnifique résidence qui a été construite vers 1875, par Magloire Vézina, marchand de Saint-Denis. La maison Magloire-Vézina fut construite au coeur du vieux village de Saint-Denis sur un site occupé auparavant par trois générations de marchands parmi les plus influents du village. Construite au beau milieu d’autres maisons cossues et bâtiments patrimoniaux de Saint-Denis, la maison n’a que très peu changé depuis l’époque de sa construction et arbore toujours un cachet d’authenticité exemplaire. Son propriétaire actuel, monsieur Albert Jeannotte, y exploite une auberge et table champêtre depuis bientôt dix-sept ans.

La maison Magloire-Vézina

Photo : Luc Charron

Nous n’avons pu établir avec exactitude la date de construction de cette maison. Tout semble indiquer qu’elle fut construite vers 1875, soit l’année qui suivit l’arrivée de Magloire Vézina à Saint-Denis. L’indication la plus précise que nous avons trouvée se trouve dans le recensement de 1881. Bien que ce recensement ne nous apporte aucune précision quant au type de construction, il nous apprend tout de même que Magloire Vézina et sa famille résident déjà sur cet emplacement à cette date, alors qu’aucune maison n’y était érigée au moment de son acquisition dix ans plus tôt. En effet, les noms de Magloire Vézina et des membres de sa famille apparaissent au recensement immédiatement après ceux de Joseph Archambault, Wilfrid Richer et Alfred Bousquet, voisins côté sud-ouest qui occupent les lots 117, 118 et 119 du cadastre, et celui de Joseph-Frédéric Guertin, médecin, voisin côté nord-est, qui occupe le lot 154.

Le recensement de 1891 est cependant plus généreux et indique que la famille Vézina occupe une maison de briques de huit pièces sur l’emplacement actuel de la maison et que les voisins à cette date sont, côté sud-ouest, Joseph Archambault et Wilfrid Richer et de l’autre, le PATRIMOINE docteur Jean-Baptiste Richard qui avait remplacé le docteur Guertin en 1890. Mais l’élément le plus probant pour établir l’époque de sa construction est probablement l’architecture même du bâtiment.
La maison Magloire-Vézina est un bâtiment en briques dont les murs structuraux sont composés de trois rangées de briques. Cette structure est reconnaissable à ses rangées de briques «pointées», posées en boutisse, que l’on retrouve à intervalles réguliers sur les murs latéraux d’origine de la maison. Le début des années 1870 constitue cependant une période charnière dans l’élaboration des maisons de briques. C’est à cette époque en effet que la structure en briques de trois rangées d’épaisseur que nous voyons apparaître dès 1835 mais qui connaît une grande popularité de 1850 jusque vers 1870, sera remplacée par la structure de bois, lambrissée de briques.
Par conséquent, l’utilisation d’une structure de trois rangées de briques peut nous étonner lorsque nous constatons partout ailleurs la technique plus récente de bois lambrissé de briques, faire son apparition dès 1870-1872 dans les villages avoisinants.

Source : Albert Jeannotte

Dans les circonstances, il faut situer la date de construction au plus tard en 1875 ou en attribuer la construction à un entrepreneur ou maçon plus familier avec cette ancienne technique. Quoiqu’il en soit, on peut qualifier cette maison pour le moins d’éclectique compte tenu des nombreux clichés architecturaux que nous y trouvons. Bien que le style de cette maison puisse s’inspirer du modèle « cottage américain » popularisé par l’architecte A. J. Downing dont les écrits ont profondément marqué le paysage rural nord-américain, les nombreux éléments décoratifs qu’affiche le bâtiment, l’inscrive davantage dans le courant éclectique victorien. L’éclectisme qui apparaît vers 1860 emprunte à plusieurs sources et combine l’influence de différents styles dans un même bâtiment. Le modèle
retenu par Magloire Vézina puise largement dans les styles néo-classiques et néo-gothiques .

Extrait d’un texte de M. Pierre Gadbois en 2009. Nous remercions également M. Albert Jeannotte pour son aimable collaboration.
L.C.