Julie Bruneau est née à Québec le 19 janvier 1795, de Pierre Bruneau (un riche marchand qui était aussi député) et de Marie-Anne Robitaille. Pas surprenant qu’elle ait été une femme intéressée par la politique. Elle a épousé Louis-Joseph Papineau à Québec en 1818 à l’âge de 23 ans. Elle était mineure à l’époque, la majorité étant à 25 ans. Son mari avait huit ans de plus qu’elle. Il était déjà député et « Orateur» de l’Assemblée législative du Bas-Canada, ce qui équivaudrait aujourd’hui presqu’au titre de Premier ministre. Son poste était le seul poste rémunéré, les députés étant bénévoles. Julie connut donc une vie bourgeoise jusqu’en 1834, alors que la situation devint plus inquiétante. Après 1837, la vie familiale devint moins facile, même misérable, à cause de la situation précaire de son mari et des patriotes. À cause de la fonction de son époux, Julie a entretenu une correspondance de plus de 40 ans avec ses proches. Elle écrit à son mari, à ses enfants, à sa belle-soeur Rosalie Dessaulles à Saint-Hyacinthe, à son frère Pierre à Saint-Denis, à sa mère et à son frère Olivier curé de Verchères, à son fils Amédée, l’aîné de ses enfants, aussi à des amis américains et canadiens. La forme de sa correspondance est étonnante, on dirait une femme contemporaine. Elle signe toujours de son prénom, suivi de son nom de famille : Bruneau et de celui de son époux : Papineau. (pas de madame … ) Elle adresse ses lettres personnelles à son mari avec la mention de « L’honorable Louis-Joseph Papineau» jusqu’en 1837 et à son retour d’exil après 1845. Au lieu d’écrire: « Bonjour cher époux, comment allezvous … » elle commence par « Cher ami » et le tutoie tout le temps.

Julie Bruneau et sa fille Ezilda. Source : Banq

Julie Bruneau et sa fille Ezilda Source : Banq

Julie Bruneau-Papineau

Épouse de Louis-Joseph Papineau Félicitations aux initiateurs du projet. Tout en rendant justice au grand homme d’état que fut Louis-Joseph Papineau, ils ont ajouté un fleuron magnifique au patrimoine de Saint-Denis. Merci à la municipalité, qui a aménagé le splendide parc Louis-Joseph Papineau. O.P. Elle signe le plus souvent « Ton épouse et amie ». Elle tutoie aussi ses enfants, ses domestiques, mais à sa belle-fille Marie, elle écrit « de votre mère affectionnée ». Apparemment Julie préfère plus lire qu’écrire. Elle s’excuse souvent pour « ses griffonnages à la hâte.» Elle demande fréquemment à son époux d’être régulier dans sa correspondance, car étonnamment il n’aime pas tellement écrire lui non plus. Julie écrit à des amis américains qu’elle a connus en exil, les Porter qu’elle a en haute estime. Elle correspond avec son fils Amédée, devenu protonotaire, qui demeurera à Saratoga Spring, où il connaîtra sa future femme. Marie Wescott. Cette dernière lui servira d’interprète, car Julie parle anglais, mais ne l’écrit pas. Julie ne parle pas de politique mais elle a des opinions bien arrêtées et elle les met dans ses lettres au bénéfice de son mari. Elle lit les journaux qui arrivent en même temps que le courrier. Elle est d’une perspicacité extraordinaire, ce qui a contribué, semble-t-il, à sauver la vie de son mari. En novembre 1837, quand sa tête fut mise à prix et qu’il s’est enfui aux États-Unis, passant ainsi aux yeux de certains pour un lâche, Julie Papineau est devenue ce qu’on appellerait aujourd’hui une femme « indignée. » Sa lettre du 1er mai 1838 est très poignante et explicite à ce sujet. À ce moment-là, elle commença à craindre pour sa propre sécurité et celle de ses enfants. Elle quitta sa maison de Montréal (rue Bonsecours) pour aller le rejoindre.

En 1839, la famille s’exila en France durant près de quatre ans. Julie s’y est beaucoup ennuyé et n’y a pas trouvé pour son mari le support politique auquel elle s’attendait. Entre-temps les problèmes financiers s’accumulaient au point de compromettre l’avenir de toute la famille. Julie dut revenir à Montréal. Son époux est resté en France deux ans de plus jusqu’à l’amnistie des Patriotes. Il fut de retour au printemps 1846. Elle aimait la musique et tenait à ce que ses deux filles Ézilda et Azélie sachent jouer du piano. Ce fut un des rares divertissements que sa famille et elle ont pu se permettre pour adoucir une vie d’épreuves et de sacrifices. De santé fragile, Julie parle de maladies et de santé dans presque toutes ses lettres. Elle envie presque son mari d’avoir une solide constitution physique. C’est en tant que mère qu’elle a connu le plus d’épreuves : de ses neuf enfants, cinq seulement atteignirent l’âge adulte. De plus, elle perdra son fils Gustave à l’âge de 22 ans. Son fils Lactance fit une grave dépression qui le laissera avec des séquelles de maladie mentale. Sa fille Azélie souffrira de troubles nerveux et mourra à 34 ans. Malgré tout, Julie fut une femme très forte, dotée d’une grande foi chrétienne qui la soutenait, disait-elle. En ce domaine, ce ne fut pas facile, car Louis-Joseph avait pris des distances considérables avec la foi catholique.

À partir de 1854, Julie vécut la plupart du temps au manoir de Montebello, mais elle s’y ennuyait de sa parenté et de ses amis de Montréal. Elle y est décédée subitement le 18 août 1862 à l’âge de 67 ans, neuf ans avant son mari. Elle fut inhumée sous la chapelle funéraire de la famille. Concluons en disant que si Louis-Joseph Papineau fut un orateur avec un certain « toupet », Julie fut une femme qui avait beaucoup d’aplomb et d’élégance!
Adaptation d’un texte d’Hélène Hainault